Le 4e Escadron de Recherche
« STOCKEM »

Insigne 4 escadron

Insigne 4ème Escadron

Mission Organisation

Hussards du 4 s'entraînant en zone urbaine

Hussards du 4 s’entraînant en zone urbaine

Le 4ème Escadron de Recherche arme des Patrouilles blindés de Recherche dans la Profondeur (PRP) et s’est spécialisé, dans le cadre des « mandats » permettant au régiment de s’adapter en permanence à la réalité des théâtres d’opérations extérieures, dans le renseignement en milieu urbanisé. En effet, si les grands principes de la recherche et de l’acquisition de renseignement restent les mêmes, la zone urbaine possède des caractéristiques qui imposent de s’adapter afin de pouvoir remplir la mission.

Il est en effet plus difficile de passer inaperçu ou de masquer la réalité de la mission d’acquisition du renseignement en zone urbaine et au sein de la population, il convient alors, à défaut de se fondre dans la nature de se fondre dans le paysage urbain, d’autant que les hussards travaillent par nature systématiquement en tenue. De plus, le milieu urbain fait que les distances d’observation ne sont pas les mêmes, les masques plus nombreux et le Chamborant doit déployer des trésors d’inventivité pour adapter ses moyens et ses techniques afin de pouvoir accomplir sa mission.

Toutes les patrouilles du régiment étant appelées à travailler dans ce milieu, il ne s’agit en aucun cas d’une spécialisation mais d’une expertise destinée à être partagée le mieux possible avec les autres escadrons, le capitaine commandant étant l’échelon de synthèse destiné à tirer les enseignements au profit du Bureau Renseignement Opérations instruction et du Centre d’Instruction Spécialisé du Renseignement, selon le processus du Retour d’expérience (RETEX) et pour les expérimentations de matériels nouveaux destinés à favoriser les missions dans ce milieu.

Les commandants d’unité de Stockem

Insigne 2ème RH

1965/6 – 1967/8 CNE de LOPPINEAU
…CNE Jean-François BART
1978 ? 1980 …
MAI 1980 JUIL 1982 CNE BEAULIEU
JUIL 1982 JUIN 1984 CNE DUCHON
JUIN 1984 DEC 1986 CNE BERTIN
DEC 1986 JUIN 1989 CNE FRITZ
JUIN 1989 JUIN 1992 CNE Jean-Paul DE NICOLA
JUIN 1992 JUIN 1994 CNE Martin RENARD
JUIN 1994 JUIN 1996 CNE GALKO
JUIN 1996 JUIN 1998 CNE DROGUET

JUIN 1998 JUIN 2000 CNE Guillaume DANES
JUIN 2000 JUIN 2002 CNE FLEURY
JUIN 2002 JUIN 2004 CNE Edouard ROUCHER
JUIN 2004 JUIN 2006 CNE Jean-Hilaire MILLET TAUNAY
JUIN 2006 JUIL 2008 CNE Pascal MAGUIS
JUIL 2008 JUIN 2010 CNE VIGUIER
JUIN 2010 JUIN 2012 CNE Jean LAVOLLAY
JUIN 2012-JUIN 2014 CNE Cyril SYLVESTRE
JUIN 2014 –

… et du 4e Escadron du 9e Hussards à Sourdun

Insigne 4ème Escadron du 9ème Régiment de Hussards

JUIL 1964 AOUT 1966 CNE ENGEL
AOUT 1966 OCT 1967 CNE LAJOUANIE
OCT 1967 SEPT 1968 CNE ALLIZARD
SEPT 1968 SEPT 1969 CNE JUILLARD
SEPT 1969 SEPT 1971 CNE MARLIN
SEPT 1971 SEPT 1972 CNE GAYMARD
JUIL 1972 JANV 1973 LTN SIMON
JAN 1973 JUIL 1975 CNE FULCHI
JUIL 1975 AVR 1978 CNE BARDON
AVR 1978 MAI 1980 CNE FILLETTE

Le webmaster a pour l’instant établi cette liste selon les souvenirs de ses deux séjours à Chamborant, toute contribution même partielle des anciens d’Orléans ou de Sourdun sera la bienvenue, contactez le par mail, merci.

La situation sécuritaire et celle des opérations dans lesquelles le régiment est engagé empêche pour le moment de mettre à jour ces tableaux.

Les noms sont gardés en mémoire pour une publication ultérieure éventuelle.

Historique du nom de tradition

Le Quartier Villars à Verdun en 1914

Le Quartier Villars à Verdun en 1914

Le 2ème Régiment de Hussards entre en guerre en août 1914. Il est alors stationné aux abords de la frontière avec l’Alsace-Lorraine à Verdun au quartier Villars (voir ci contre). Engagé dès le 31 juillet en Lorraine il assure dans un premier temps des missions de couverture en dressant des bariccades sur les axes venant du Luxembourg.

Entré en Belgique le 6 août, c’est à Stockem dans la région d’Arlon qu’il va s’illustrer et gagner le nom qu’il porte encore aujourd’hui. Il va conduire la première action du Régiment au contact de l’ennemi en menant par la même occasion l’une des dernières charges de cavalerie de cette guerre avant l’engluement des tranchées.

Le lieutenant de Rolland, chef du 3ème peloton, raconte cet épidode dans son livre « Ceux de Chamborant SABREZ !… » publié sous le pseudonyme de Versonnex après guerre. (Le lieutenant de Rolland quittera Chamborant à la fin de la campagne de 1914 pour continuer à se battre dans l’aviation, comme un autre hussard du Régiment devenu l’un des héros de cette nouvelle arme : le hussard Nungesser).

La charge de Stockem

Ce récit de la charge du 7 août 1914 est extrait du livre du Lieutenant de Rolland (alias Versonnex), chef du 3ème peloton.

Couverture de Ceux de Chamborant CHARGEZ !

Couverture de Ceux de Chamborant CHARGEZ !…

LA CHARGE – STOCKEM 7 août.

A trois heures et demie, nous sommes réveillés. Les escadrons se forment et gagnent Tintigny. La 4èmee division de cavalerie se rassemble, se porte sur Etalle et là, détache le 2ème demi-régiment de Chamborant, avec un peloton cycliste, pour reconnaître Arlon. Le reste de la brigade s’organise au nord-ouest de Vance. Notre escadron fait l’avant-garde, le peloton de mon camarade Lefebvre est en pointe, le mien fournit les patrouilles de flanc. La pluie commence à tom­ber et nous chevauchons dans un demi-brouillard, travers une région boisée et marécageuse, où nos flanqueurs progressent avec beaucoup de difficultés. Toutefois, nous arrivons à Stockem vers dix heures et demie, sans incident. Le détachement s’arrête, met pied à terre avant le pont du chemin de fer, situé à huit cents mètres à l’ouest d’Arlon. Devant nous, nos chasseurs cyclistes sont déployés en tirailleurs, couchés dans la boue, inondés et transis par la pluie, qui devient plus violente, mais même sous ce déluge, ils conservent le sourire.
Le colonel m’appelle :
– Versonnex !
– Mon colonel?
– Voici ; prenez deux ou trois cavaliers avec vous, allez immédiatement à Arlon, tâchez de voir le bourgmestre et rapportez-moi tous les renseignements utiles qu’il pourra vous donner.
– Allons, les « foulards blancs », voilà une occasion excellente de voir ce que vous valez et de vous témoigner ma confiance !
– Lagravoir, Gauthier, à cheval !
Nous partons au trot, pénétrons dans Arlon, sabre à la main ; toutes les fenêtres s’ouvrent, les femmes secouent leurs mouchoirs ; d’autres, plus aimables, nous envoient des baisers et nous jettent des fleurs ; les hommes agitent leurs chapeaux :
« Vive la France! Vive la France! Vivent les hussards ! »
Je suis très fier de ce succès immérité, très peu fier, par contre, de la mission qui m’est confiée. La rue monte, le pavé est mouillé, nos chevaux glissent et je tremble à l’idée d’être pris, à quelque tournant de rue, par une patrouille allemande, sans autre possibilité que de me faire tuer inutilement.
Je continue au trot, malgré les appels de la population, zigzague dans les rues et, grâce à des guides obligeants, arrive à la maison du bourgmestre. Je saute de cheval, entre à la mairie, n’ayant qu’une idée : en repartir au plus vite, tant je crains de voir surgir quelque peloton allemand et d’être cueilli, pied à terre, avec ma garde d’honneur.

Uniformes portés par le 2ème Hussards au cours de cette campagne

J’attends quelques minutes. Il me semble qu’une heure déjà s’est écoulée, quand le bourgmestre ouvre une porte et entre, très calme. Je me présente :
– Monsieur le bourgmestre, je suis envoyé par le colonel du 2ème houzards, pour vous demander tous les renseignements que vous pouvez avoir sur la situation.
« Je vous prierai de me les donner rapidement, car je suis seul, avec deux cavaliers, et n’ai nulle envie de me faire ramasser par une patrouille ennemie. »
Le bourgmestre est calme, mais précis et complaisant ; il fouille dans un dossier, retire une carte et vient vers moi:
– Voici : ce matin, la cavalerie allemande a été vue dans toute cette région.
Et du doigt il me montre des bois, des villages à quatre ou cinq kilomètres d’Arlon…
– Et puis, tenez, attendez un instant, j’ai peut-être un renseignement plus intéressant…
Et se retournant subitement :
– Mais, s’il vous plaît, mon lieutenant, asseyez­ vous donc.
M’asseoir ? J’ai bien envie de m’asseoir ! Je piaffe, je trépigne, pendant que le bourgmestre cherche très posément dans ses dossiers.

Tout à coup, des cris se font entendre à l’extérieur ; d’un bond, je suis vers mes factionnaires… Rien de nouveau ! Ce sont seulement quelques Belges enthousiastes qui viennent nous manifester leur sympathie – S’il vous plaît, mon lieutenant, s’il vous plaît !
Je n’écoute rien, je rentre rapidement à la mairie ; le bourgmestre a pris une grande carte en couleurs, il l’étale sur son bureau et, toujours avec le même calme, me trace, au crayon rouge, l’emplacement de deux batteries allemandes, en position à l’est d’Arlon: Voilà un renseignement intéressant !
– Je vous prie, mon lieutenant, j’oubliais qu’on a vu, hier soir, un régiment de cavalerie sur cette route, sortant des bois…
Allez ! Allez ! A cheval ! J’ai tout ce qu’il me faut ; somme toute, il doit y avoir une division de cavalerie à proximité de nous. Je remercie vivement le bourgmestre de ses renseignements et de son amabilité.
Je sors, saute à cheval, saisis mes rênes raidies par la pluie. Je sens ma selle qui fait éponge… Le bain de siège habituel quand on remonte à cheval après avoir poireauté pied à terre sous la flotte ». Et maintenant: En avant ! Je prends un trot de cuirassier, malgré la descente et les pavés glissants, mais j’ai confiance dans l’adresse de ma jument, de ma bonne petite Guinée… Voici le faubourg ouest d’Arlon.., j’arrive au pont du chemin de fer… Je suis sauvé !
D’un temps de galop, je me porte vers le colonel, lui rends compte de ma mission.
– Merci ! Merci, c’est très bien, mais une auto postale belge vient de me signaler qu’elle a dû faire demi-tour devant une auto allemande revenant de Vance… Partons ! Partons !
Le régiment remonte à cheval. Il est treize heures. Le 4e escadron est à l’avant-garde, le 2e peloton (lieutenant Choisy) est en pointe.

A Stockem, les habitants nous signalent la présence de patrouilles et de détachements allemands. Du coup, toutes mes appréhensions tombent. Je suis fou de joie, d’une joie que je voudrais communiquer, crier… Allons, l’épreuve est proche !

Croquis de la charge de Stockem issu de Ceux de Chamborant - CHARGEZ

Croquis de la charge de Stockem issu de Ceux de Chamborant – CHARGEZ

Toute proche, en effet, car bientôt notre pointe nous signale une auto et des cavaliers allemands quittant la grand’route d’Arlon. Ils se jettent dans le chemin passant à l’est de la cote 430, au sud de Stockem. Le colonel se retourne vers mon peloton qui est en tête :
– Versonnex… Allez-y !

L’heure a sonné ! Je serai le premier du régiment à recevoir le baptême du feu.
Déjà je suis au galop sur un « chemin de terre », le brigadier Ruffier est en éclaireur, en avant vers ma droite, le brigadier Perjean en avant vers ma gauche… Derrière moi, j’entends des cris, des appels ; je me retourne et vois d’Orgeix à la tête des pelotons Billot et Lefebvre. Je suis furieux, me voici donc privé de l’honneur de conduire la première charge !

J’attends mes camarades, puis, rejoint par eux, je suis d’Orgeix et les trois pelotons continuent à monter au trot.
Tout à coup, nous apercevons nos éclaireurs qui, parvenus à la cote 415, nous font de grands gestes d’appel. Nous prenons le galop. Au moment où nous arrivons au sommet de la crête, nous voyons, au-dessous de nous, une masse gris verdâtre, un escadron environ, en colonne de pelotons, nous offrant son flanc droit.
On dirait un énorme reptile blotti contre la lisière des bois. Je me sens oppressé… Est-ce la joie ? Est-ce la peur? Mais je ne dois pas être le seul à éprouver cette sensation, car tout l’escadron a stoppé.
D’Orgeix se retourne vers moi :
– Ce sont bien des Prussiens ?
– Aucun doute
– Alors… en avant !

La charge de Stockem – Gouache de Maurice Toussaint Envoi du Chef d’Escadrons (R) Gérard-Antoine Massoni.

J’ai saisi mon revolver et me sens comme emporté par un ouragan. Nous dévalons, au galop de charge. Je ne pense plus à rien, je ne vois plus rien ; et pour­tant, pendant un instant, je regarde nos trois pelotons. Des cavaliers entraînés par leurs chevaux nous dépassent, d’autres roulent dans l’herbe, avec ce bruit particulier du cheval qui s’effondre, de l’homme qui s’agite pour se dégager. Une arme automatique se révèle, les balles miaulent, sifflent, ricochent sur le sol. Je vois une auto, les pelotons allemands qui font face à droite, des hommes qui tirent…
Nous sommes à cinquante mètres, nous sommes à dix mètres, nous sommes sur eux !
Alors, tout disparaît. L’escadron allemand se disperse, se volatilise, des cavaliers s’enfuient dans toutes les directions ; nos houzards, lances baissées, se jettent à leur poursuite. J’aperçois, comme dans un rêve, des ombres passant au galop, des cavaliers ennemis qui roulent à terre, d’autres traversés par des lances, qui s’agitent dans leur dos, comme des banderilles. Seuls, les officiers allemands sont restés ; ils échangent avec nous, et sans résultat, des coups de pistolet automatique.

Nos hommes reviennent, galopent, cherchent, tournoient, comme une meute. C’est maintenant un énorme tourbillon après la tempête qui glissait, tout à l’heure, le long de la colline.
Je bondis sur l’auto, j’entends le tac tac de la mitrailleuse, vois le tireur ; des cavaliers m’entourent. Je décharge mon revolver sur eux… quelques-uns tombent, les autres s’enfuient… Je suis seul !
Je fais demi-tour au galop pour gagner un pli de terrain.
– Ralliement ! Ralliement !
Un cavalier allemand se jette à ma poursuite, quand Casanova, le prenant d’écharpe, le traverse de sa lance… C’est ma dernière vision. Les balles continuent à siffler, je les entends passer très près, avec un claquement caractéristique…

Et puis, plus rien ! Je suis à l’abri, avec, derrière moi, les brigadiers Toureng, Perjean et deux ou trois cavaliers ; par petits groupes, les hommes rejoignent ; d’Orgeix, Billot, Lefebvre arrivent à leur tour avec des bribes de pelotons. C’est, pendant quelques minutes, une cohue, un enchevêtrement de cavaliers qui cherchent à se rallier derrière leur officier. Les hommes, congestionnés, les yeux exorbités, sont couverts de sueur, sous leurs grands manteaux qui ruissellent. Les chevaux, blancs d’écume, halètent, hennissent, s’ébrouent ; autour d’eux flotte comme un brouillard, une fumée estompant leurs silhouettes. Maintenant, je ressens en moi quelque chose de nouveau : une surexcitation extrême, une rage, un besoin de galoper, de hurler, de frapper… Mais tout est fini. ! Les Prussiens, ceux du moins qui ont échappé aux lances des Chamborant, ont disparu dans les bois ; d’autres, vers la route d’Arlon, sont enlisés dans des marais et s’agitent comme des mouches dans une assiette de glu.

Charge de Stockem le 7 août 1914 par Rousselot

Tout est fini, l’épreuve est subie, le baptême du feu est reçu !
D’un coup d’œil rapide, je regarde mon peloton. Peu de vides ! Mon sous-officier et mes brigadiers sont présents, une vingtaine d’hommes sont là, dont un seul est blessé : le cavalier Lamy, qu’une balle discrète a effleuré au cou. Par contre, plusieurs de nos chevaux portent les traces de la bataille et leur sang coule à travers la boue qui les recouvre. Ma petite Guinée a sa première blessure, heureusement sans gravité. Les Allemands ont tiré trop bas.

Maintenant l’escadron, à peu près au complet, va se remettre en route, quand arrive notre colonel avec le 3ème escadron. Revolver en main, il se porte sur les bois, à la tête du demi-régiment.
Des cavaliers allemands tués par nos lances sont étendus dans l’herbe, quelques-uns de nos chevaux jalonnent notre charge ; tout près du bois, un sous-officier de houzards est couché ; nous approchons et reconnaissons le maréchal des logis Duffaut, blessé de deux coups de revolver. Il se soulève avec peine :
– Mon colonel… Ils sont là ! là !… Vive la France!…
Puis il retombe.

En fouillant le champ de bataille, nous trouvons un cavalier allemand étendu, qui faisait le mort, et, dans l’automobile d’où partaient des coups de feu, un officier. Il a été tué dans la voiture et ses mains crispées tiennent encore un chapelet. A côté de lui, nous découvrons une valise bourrée de papiers d’un état-major ; nous venons de charger, en effet, sans le savoir, un détachement de Meldereiter et des cavaliers du 71, chasseurs à cheval, de Trêves. L’offi­cier tué dans l’automobile était le major von der Goltz.
« Le lieutenant Gelly saisit les papiers, tente en vain de remettre la voiture en marche et y met le feu. »
Maintenant, nous glanons quelques trophées : des casques de dragons, des casques de chasseurs, des lances aux flammes noires et blanches ; nous saisissons par la bride quelques chevaux allemands errant à l’aventure sur notre champ de bataille.
Puis, reformés en colonne, le 3ème peloton en tête, avec tous ses trophées, nous reprenons la route Arlon-Etalle. La pluie tombe, toujours aussi vio­lente, mais qu’importe la pluie Houzards de Chamborant, tels nos aînés de Valmy, de Fleurus, d’Austerlitz, vous avez chargé victorieu­sement la cavalerie allemande ; pouviez-vous rêver un baptême du feu plus beau et plus digne de vous ? Et maintenant, notre retour est triomphal. Tout le long de la route, les dragons et les cuirassiers qui, pied à terre dans les champs détrempés, s’enlisent lentement, ces cavaliers qui ignorent encore ce que c’est que la charge, ces cavaliers qui n’auront plus l’occasion de la faire pendant quatre ans de guerre, tous, dragons, cuirassiers et fantassins, émerveillés par les trophées que nous rapportons fièrement, nous applaudissent et nous acclament :
– Bravo, les hussards !
– Bravo, la légère !
– Ah ! vous en avez de la chance !
L’un d’eux, un cavalier de 2°classe, d’un enthousiasme plus débordant encore que ses camarades, se précipite vers moi, me tend la main :
– Ah ! ça, c’est bien, les « huiles » !
Dès le premier combat, toutes les rivalités d’armes, tous les préjugés du temps de paix ont disparu. Nous défilons tête haute, muets, conscients de nôtre valeur et de notre prestige. Sur la route, des cavaliers allemands sont étendus inertes et comme prosternés devant les vainqueurs ; l’un d’eux, un officier, a le crâne ouvert d’un formidable coup de sabre.

A l’entrée de Vance, nos chasseurs cyclistes, trompés par nos flammes noires et blanches et par les manteaux gris chaussés par quelques-uns de nos cavaliers, vont ouvrir le feu, quand un de leurs offi­ciers s’aperçoit de leur méprise et nous évite une réception dangereuse.
Dans le village, un lieutenant allemand, soutenu par un paysan et un infirmier, se redresse à notre passage, ouvre sa tunique pour nous montrer une blessure reçue en pleine poitrine c’est l’Oberleutnant von Bulow, qui mourra le lendemain, à Arlon.
Nous passons à Etalle, puis rentrons à notre petit village de Termes où nous mettons pied à terre. Nos manteaux sont lourds de pluie, nos culottes sont traversées, nos brodequins transformés en baignoires, mais nous ne sentons ni la pluie, ni la fraîcheur humide du soir. Nous ne ressentons plus qu’une joie immense, qu’un orgueil enivrant, à ce retour triomphal à notre cantonnement, au milieu des hommes et des femmes qui nous regardent maintenant comme des héros. Nous étalons nos trophées à leurs yeux étonnés, les chevaux capturés, que je baptise Kaiser, Kronprinz, Augusta et Stockera ; nous défaisons les paquetages, examinons les armes et constatons, avec surprise, que les sabres du 7e chasseurs à cheval de Trêves n’étaient pas aiguisés !

Notre joie et notre fierté augmentent encore dans la soirée, deviennent plus exubérantes, comme tous les sentiments qui s’intensifient à l’approche de la nuit.
Notre dîner est très animé, très bruyant. Chacun veut dire ce qu’il a vu, ce qu’il a fait, donner ses impressions :
– Non, mais avez-vous vu cette cavalerie, cet escadron en colonne, au fond d’une cuvette, appuyé à un bois, sans avoir même un oeil pour se garder ! Cet escadron soutenu par une mitrailleuse et qui f… le camp devant trois pelotons français ?
– Ils ont été au-dessous de tout !
– Mon vieux, s’ils sont tous comme le 7e chasseurs de Trêves, cela nous promet d’heureux jours !
Ah oui, ce n’était réellement pas la peine de nous bourrer le crâne en garnison avec cette cavalerie instruite, entraînée, allante, avec ces fougueux lanciers qui devaient nous cueillir dans nos lits !
– Dites donc, vous rappelez-vous, cet hiver, les portes de Verdun fermées, chaque soir, pour parer à une attaque brusquée des cavaliers de Metz, ‘ces cava­liers qui devaient nous prendre en pyjama, nous et le gouverneur de la place ? C’est à mourir de rire quand on y pense !
– Et leurs lances ? Avez-vous vu leurs lances ? Elles ne piquent même pas !
– En tout cas, les nôtres entrent bien, dit notre capitaine. Pendant que vous chargiez, j’étais, avec l’adjudant, à la sortie du bois de Stockem, nous entendons votre attaque, la mitrailleuse ; puis, tout à coup, une folle galopade à travers les taillis. Un officier allemand, emporté par son cheval, arrive vers moi, pivote sur sa selle, écarte les bras et tombe, à mes pieds, en poussant un cri effrayant « Aahâ ! » Il avait le corps traversé d’un coup de lance, un trou, dans le dos, large comme cette assiette.
Nous quittons notre table et parcourons les rues de Termes. Ah ! qu’il est beau le soir d’une première bataille ! Qu’il est bleu le ciel d’une première victoire ! Nous ne pouvons pas nous coucher. Pourquoi, du reste, aller demander à la nuit des rêves qui, pour une fois, seraient moins beaux que la réalité ? Et nous continuons notre promenade nocturne.

A minuit, des renseignements nous arrivent qui raniment nos conversations. – Près de Vance, Roman, à la tête de son peloton, a chargé et mis en fuite tout un escadron du 7ème chasseurs et tué d’un coup de pointe à la gorge le capitaine.

Charge du Peloton du lieutenant Roman-Amat (4ème peloton du 1er escadron) le 7 août 1914 à Vance (Belgique)