Le 2ème Hussards durant le Ier empire

Textes du Chef d’Escadrons © Gérard-Antoine MASSONI, docteur en histoire

Les guerres de l’Empire (1804-1815)

Après l’occupation du Hanovre en 1803, les Chamborant commandés par le colonel Barbier étaient de nouveau en campagne avec la 1ère brigade Picard : 2ème et 5ème Hussards, division de cavalerie du général Kellermann, appartenant au 1er Corps commandé par le général Bernadotte. Pour la première fois, ils allaient combattre sous les ordres de Napoléon. Après de nombreux combats sur les bords du Danube, ils atteignent, à la suite d’une marche de 26 lieues en trente heures, le pied du plateau de Pratzen, où ils bivouaquaient le 1er décembre. Le lendemain, Napoléon livrait la célèbre bataille d’Austerlitz. Un radieux soleil éclairait les « Frères Bruns« . Ils chargèrent avec leur fougue habituelle, sabrèrent l’ennemi et le capitaine Braun s’empara d’un drapeau autrichien. Le soir, la victoire était complète.
Le 2ème Hussards, qui voit en lettres d’or le nom d’Austerlitz-1805 briller sur son étendard, peut s’en glorifier avec raison. Ce coup de massue devait amener rapidement la paix. Elle fut signée à Presbourg, et le 2ème reprit le chemin de la France. Mais l’Autriche vaincue, c’est maintenant la Prusse qui se dresse contre nous et nous déclare la guerre en 1806. L’Empereur, avec cette soudaineté qui le caractérise, se jette sur elle, l’écrase à Iéna et Auerstaedt.

Dans la poursuite prodigieuse qui suivit la déroute des Prussiens et dura deux mois, le 2ème Hussards devait se signaler maintes fois : le 17 octobre, il atteint l’arrière-garde du Prince de Wurtemberg à Halle, la charge et lui prend 8 pièces de canon. Le 18, il attaque un régiment de hussards prussiens et met 300 hommes hors de combat. Le 29 octobre à Neu-Strelitz, le colonel Gérard avec deux escadrons, se jette sur l’arrière-garde du général Blücher, lui fait 400 prisonniers et lui enlève ses bagages. Le 1er novembre, il charge à nouveau à Krempelsdorf où 1 escadron de dragons, 2 escadrons de hussards et une demie batterie d’artillerie à cheval prussien restent entre ses mains. Blücher, à bout de ressources, sans munition et sans pain, se rend avec toute son armée.

Murat, qui commande en chef la cavalerie, écrit à Napoléon : «le combat finit, faute de combattants, la cavalerie n’a plus qu’à rallier Berlin». L’Empereur, après la capture de la place de Stettin par les hussards de la Brigade Infernale du général Lasalle [1]16 répond par ses éloges : «si vos Houzards prennent des places fortes, je n’ai plus qu’à licencier mon génie et à faire fondre mes grosses pièces». Le 2ème Hussards s’était si glorieusement conduit que son Colonel, le Colonel Gérard, fut chargé de porter à Berlin, pour les remettre à l’Empereur, les soixante étendards ou drapeaux enlevés à l’ennemi par le corps de Bernadotte, sous les ordres supérieurs duquel le régiment était alors placé.

Il n’y avait plus d’armée prussienne, mais à l’Est, la menace russe grandissait. En 1807 s’ouvrait la campagne de Pologne. Le climat et le terrain allaient la rendre particulièrement rude : les chemins étaient défoncés, le pays, désert et marécageux, n’offrait aucune ressource, il y avait une telle boue que plusieurs fois, on allait être contraint de charger au pas. Malgré tout, les Chamborant parviennent à se distinguer. Le 3 janvier, entre autres, leur colonel ravitaille la cavalerie en enlevant les fourrages de l’armée russe qu’il ramène aux cantonnements français dans 90 voitures. Le 20 janvier 1807, une reconnaissance sauve toute l’armée en éventant la marche de l’adversaire.

C’est à cette époque qu’eut lieu le fameux combat entre les Frères Bruns et les Frères Noirs (les hussards de Brunswick ou hussards de la mort). Le Colonel des hussards noirs [2] était entré à Braunsberg le 23 février, et, ayant trouvé dans le château deux sauvegardes d’infanterie française, les avait renvoyées escortées d’un de ses trompettes. Ce trompette lui rapporta un billet ainsi conçu: «les Frères Bruns saluent les Frères Noirs. A demain midi ». C’était un cartel en règle. Le lendemain, à l’heure dite, eut lieu une action où les Chamborant, d’abord vainqueurs, eurent le dessous ; mais le lendemain, ils reprirent l’avantage, et s’emparèrent de Braunsberg avec 2 000 Prussiens. Enfin, l’hiver infernal cessa, et pendant la campagne de printemps, le 2ème Hussards se couvrit de gloire une fois de plus, le 14 juin à Friedland, où il fournit jusqu’à dix charges successives. Cette belle victoire, dont le nom est inscrit sur l’étendard, Friedland-1807, termina la guerre [3].

Trompette du 2èm Hussard en 1808. Dessin de L. Rousselot

Pendant un an, le Régiment reste alors cantonné à l’extrémité orientale de la Prusse, aux frontières de la Russie, puis brusquement, reçoit l’ordre de se rendre en Espagne. C’était une rude étape à parcourir et au bout de cette étape, une lutte combien décevante : en Espagne, les Chamborant allaient trouver des habitants fanatiques, massacrant impitoyablement les soldats isolés, un pays âpre, montagneux, difficile, infesté de guérillas dressant des embuscades, puis disparaissant pour revenir sans cesse à l’attaque, et d’une cruauté telle qu’ils tuaient, sans merci, les blessés et les prisonniers après les avoir cruellement torturés. Ces difficultés ne sont pas faites pour effrayer nos hussards ou diminuer leur ardeur.

Toujours vaillants en selle, les Chamborant furent pour leurs ennemis de terribles adversaires. Mal vêtus, car les magasins de l’Empereur commençaient à s’épuiser, montés sur des chevaux misérables, car la remonte lui faisait défaut, ils inspiraient néanmoins la terreur et l’admiration, même à leur adversaire.

«Quand je vois, disait Wellington, ce misérable à côté de sa rosse, j’ai pour lui le plus souverain mépris. Quand je vois ce misérable monté sur sa rosse, je suis inquiet et regarde avec la plus grande attention ce qu’il va faire. Mais quand je vois ce misérable charger sur sa rosse, j’ai pour lui la plus grande admiration». Parmi les nombreux faits d’armes de cette guerre, il convient de citer le suivant, où l’on voit combien le sang-froid et l’énergie d’un simple capitaine eurent une large part au gain de la Bataille de Medellin, le 27 mars 1808 [4].

Le 4ème escadron, alors commandé par le Capitaine Drazdianski, était à l’arrière garde de la division Lasalle et se retirait par échelons. Six escadrons de lanciers espagnols prennent le trot pour charger. Sans s’émouvoir le Capitaine Drazdianski fait faire demi-tour au pas à ses quatre pelotons, fort ensemble de 120 hommes, puis il commande et rectifie l’alignement, aussi tranquillement que sur le terrain des manœuvres. Frappés d’étonnement devant une telle fermeté, les cavaliers espagnols ralentissent involontairement l’allure. Drazdianski saisit le moment, fait sonner la charge ; le 2ème Hussards s’élance comme un fou, les lanciers espagnols, pris de panique, se renversent sur les escadrons qui les suivent. Leur masse, tout à l’heure arrogante, ne forme plus qu’une cohue de fuyards qui se laissent sabrer sans se défendre. Le Général Lasalle, qui commande en chef, en profite pour lancer toute sa division sur les traces de Drazdianski; la déroute de la cavalerie paralyse l’infanterie espagnole qui s’enfuit à son tour, en jetant bas les armes. Le combat est rétabli, la victoire devait suivre.

Plus tard, on retrouve le régiment aux ordres du colonel Gilbert-Louis Vinot au défilé de Torrejos (26 juillet 1809) où il détruit complètement le Régiment de Dragons Villa-Viciosa ; on le cite encore à Campillos (14 mars 1810) et à la Gébora (19 février 1811) où le Colonel Vinot fut mis à l’ordre pour sa brillante conduite, et où le brave Drazdianski trouva la mort glorieuse qu’il méritait.

A Albuhera, le 16 mai 1811, le 2ème Hussards participe aux charges de cavalerie avec les lanciers de la Vistule qui entraînent la capture 6 drapeaux anglais [5], de six canons et de 1000 prisonniers.

Le 15 novembre 1812 au passage de la Huebra, affluent du Douro, près de San Muñoz, par un raid particulièrement téméraire, le capitaine Hippolyte d’Espinchal, commandant le 2ème escadron avec quelques cavaliers du 2ème Hussards, capturèrent sous le nez de d’armée anglaise le général Arthur Paget, commandant en second l’armée britannique. En 1813, les 1er et 2ème escadrons combattent en Espagne et à Toulouse (1814) contre les Anglais, pendant que les 3ème et 4ème escadrons combattent en Saxe contre les Prussiens, les Autrichiens et les Russes et sont présents à la bataille de Leipzig.

A la fin des guerres d’Espagne et de la Campagne de France [6], le Régiment se reconstituait à Fontenay-le Comte sous la conduite du colonel Louis de Séganville et par ordre de Louis XVIII, prenait le nom de Hussards de la Reine. Pendant les Cent Jours, le 2ème Hussards fut dirigé aux environs de Belfort où il donna les derniers coups de sabre de la campagne au combat de Sévenaux, le 1er juillet 1815. A la deuxième restauration, il fut licencié à Niort, le 24 novembre 1815.

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[1] Composée du 5ème et du 7ème Hussards, les 800 cavaliers de Lasalle permirent la capture des 8 000 hommes et de toute l’artillerie de la place de Stettin.
[2] Il s’agissait du colonel de la ROCHE-AYMON, un émigré français.
[3] Il est cependant possible que le 2ème Hussards perdît un étendard pendant la bataille.
[4] Le nom de Medellin figurait sur l’étendard du 2ème Hussards en 1852.
[5] Un hussard du 2ème essaya de s’emparer d’un septième drapeau, mais l’officier anglais qui le gardait, malgré la perte de son bras gauche tranché par le hussard, réussit à préserver son emblème.
[6] Le 18 février, à Montereau, les recrues du Capitaine Ducis, qui tiennent à peine en selle, chargent comme leurs aînés, bousculent les Wurtembergeois et s’emparent des canons aux cris enthousiastes de: «Vive l’Empereur!». C’est à ce fait d’armes que l’escadron de défense et d’instruction du 2ème Hussards doit son nom de MONTEREAU.