Restauration et la Monarchie de Juillet (1815-1848)
Textes du Chef d’Escadrons © Gérard-Antoine MASSONI, docteur en histoire
Dès 1816, on forma de nouveau six régiments de hussards: le 2ème fut constitué à Metz le 26 janvier, et prit le nom de Hussard de la Meurthe – 1820 Dessin original d’Eugène Titeux Hussards de la Meurthe; il hérita les couleurs des Chamborant et en garda les belles traditions. Le prince Joseph-Marie de Savoie-Carignan devenait son nouveau colonel.
En 1823, les hussards de la Meurthe aux ordres du vicomte Alexandre Gauthier de Rigny prirent part à l’expédition d’Espagne, mais ce ne fut guère qu’une marche militaire. En 1825, ils redevinrent le 2ème Régiment de Hussards, et jusqu’en 1844 – sauf pendant les quelques semaines que dura le siège d’Anvers, en 1832 – le Régiment vécut la vie paisible de garnison aux ordres du colonel comte Armand Ducroc de Chabannes. En 1844, de nouveaux champs de bataille s’offrirent à lui : le Maréchal Bugeaud, alors Gouverneur de l’Algérie, ayant demandé des renforts pour entreprendre la guerre contre le Maroc, allié à Abd El Kader, on lui envoya le 2ème Hussards et le 9ème Chasseurs «armés de fusils de dragons, sans pelisses, ni sabretaches, ni schabraques…». Parti de Port-Vendres, le 2ème Hussards débarqua à Oran le 20 juillet 1844 aux ordres du colonel Joseph Gagnon. Les Chamborant foulaient donc cette terre d’Afrique qu’ils ont depuis tant de fois arrosée de leur sang; ils allaient ajouter bien des pages glorieuses à leur histoire déjà centenaire. Ils vont bientôt se faire surnommer «les Lions du Désert».
Dès qu’il eut organisé sa colonne, au mois d’août, Bugeaud avec sa petite armée de 8000 hommes, se porta à la rencontre de l’armée marocaine, forte de 60000 cavaliers à Isly.
Ce fut une belle victoire; la colonne marocaine fusillée, canonnée, sabrée de tous côtés, s’enfuit éperdument en laissant sur le champ de bataille 800 morts, 1 500 à 2 000 blessés, des drapeaux, des canons, le parasol de l’Empereur, ses tentes, et un immense butin. Le 2ème Hussards, qui contribua, par ses charges au succès de la journée, voit le nom d’Isly-1844 briller sur son étendard.
Après l’Isly, commence pour le 2ème Hussards cette existence nomade, pleine d’imprévus, fertile en privations, à la fois monotone et mouvementée, propre aux époques troublées en Algérie.
En 1845, le 21 septembre, eut lieu un héroïque fait d’armes dont tous les chasseurs à pied de l’armée française se glorifient: Sidi Brahim [1] . Les Chamborant étaient aussi présents à cette affaire; le 2ème escadron devait, en entier, y trouver la mort.
Le Lieutenant-Colonel de Montagnac, commandant en chef du cercle de Djemma-Ghazaouat, avait sous ses ordres une garnison composée du 8ème bataillon de chasseurs d’Orléans (chasseurs à pied) et du 2ème escadron du 2ème Hussards. Il sort en rase campagne pour reconnaître avec son bataillon (sous les ordres du commandant Froment-Coste), et l’escadron du 2ème Hussards, alors composé de 63 hommes, commandé par le chef d’escadrons Courby de Cognord.
Le Colonel de Montagnac après une marche d’environ douze heures, apercevant quelques cavaliers arabes, les fait suivre par nos hussards; les Arabes, selon leur tactique habituelle, reculent; l’escadron s’engage et tombe tout à coup au milieu de milliers d’hommes cachés dans un pli de terrain; Abd El Kader est là en personne. Cette poignée d’hommes est entourée; le capitaine Gentil Saint Alphonse qui commande la première division de l’escadron, tombe mortellement frappé d’un coup de feu; le commandant Courby de Cognord accourt avec la 2ème division et charge avec les 35 Chamborant restants les masses de l’Emir; mais ils sont accablés; sur le cavalier qui tombe, des Arabes s’acharnent; le malheureux est décapité, et sa tête présentée aux camarades qui sabrent encore.
Le lieutenant Klein expire entre les bras du hussard Metz, qui ne l’abandonne qu’après lui avoir vu rendre le dernier soupir. Le colonel de Montagnac qui avec deux compagnies de chasseurs est arrivé à la rescousse, tombe à son tour. Il reste 65 à 70 hommes, hussards ou chasseurs. Le chef d’escadron Courby de Cognord en essayant de les rallier a son cheval tué sous lui; le hussard Testard met pied à terre et lui donne le sien. Le Commandant réussit à mener sa petite troupe à un monticule voisin, et cette poignée de braves résiste pendant une heure et demie. Le commandant Courby de Cognord, frappé de trois coups de feu et de deux coups de yatagan, est fait prisonnier; les quelques survivants, tous blessés, sans cartouche, épuisés, immobiles et silencieux, attendent la mort et «tombent comme de vieux murs». Les deux autres compagnies de chasseurs accourues ont le sort des deux premières. Le commandant Froment-Coste est tué; les survivants parviennent à gagner le marabout de Sidi Brahim et s’y barricadent. Les héroïques défenseurs font un drapeau tricolore avec une ceinture rouge, un mouchoir et une cravate bleue. Le Caporal Lavayssière, le seul gradé qui reste après la mort du Capitaine de Gereaux, prend le commandement et ramène à Djemma les douze derniers survivants de cette colonne de 400 hommes.
Après le combat, 340 cadavres sans tête jonchaient le sol; 54 appartenaient au 2ème escadron du régiment. Les autres devaient mourir en captivité. Quatre seulement purent revenir en France, après avoir été rachetés à l’ennemi : le commandant de Cognord, le maréchal des logischef Barbut, les hussards Metz et Testard, qui furent tous décorés de la Légion d’Honneur. Rachetés et rapatriés, ils furent, le jour du retour à Oran, accompagnés par une escorte d’officiers, accueillis par le Général de Lamoricière et salués par les drapeaux, devant toute une garnison.
Jusqu’à son retour en France, en 1847, le 2ème Hussard prit une part active à toutes les opérations entreprises en Algérie [2]. A partir de 1848, le régiment est commandé par le colonel Dumor.
[1] Qui donnera son nom au 2ème escadron.
[2] 2 En août 1846, le régiment obtient cette citation: «depuis son arrivée en Afrique, le 2ème Hussards a pris part à de nombreux et brillants faits d’armes (…). [il se place] au premier rang de l’Armée d’Afrique».