Le 2ème Hussards sous l’Ancien Régime

Textes du Chef d’Escadrons © Gérard-Antoine MASSONI, docteur en histoire

I. Le régiment avant Chamborant (1735-1761)

A la fin du XVème siècle, pour lutter contre les incursions des troupes ottomanes, le roi de Hongrois Mathias Corvin (1458-1490), organisa des unités de cavalerie très légèrement équipées, destinées aux combats de harcèlement et de reconnaissance : ce sont les premières unités de hussards.

Hussarts royaux origine

Hussarts royaux

L’origine du « hussard » fait encore aujourd’hui l’objet de controverse : pour certains historiens, le hongrois « husz » signifiant « vingt » indiquerait le recrutement par un seigneur local d’un homme sur vingt ou qu’un homme pour vingt foyers qui en supportent l’équipement, devrait être monté ; d’autres chercheurs pensent que « husz » indique le montant de sa solde, mais une autre école de pensée opte pour désigner un détachement de vingt hommes. Certains linguistes soutiennent que la déformation du latin « cursor » (coureur, conducteur, messager) qui donna « corsarius » en bas latin désigne en fait un cavalier pillard.

Quel que soit le sens précis de hussard, discrétion et furtivité dans ses déplacements, agilité et rapidité dans l’action, initiative et réactivité face aux événements, les qualités de ces hussards hongrois furent bientôt connues et recherchés dans toute l’Europe. L’armée autrichienne est la première à organiser des régiments permanents de hussards dès 1688.

Les premières compagnies de hussards firent leur apparition dans l’armée royale en 1692 pendant le règne de Louis XIV, à partir de volontaires hongrois, généralement déserteurs de l’armée Impériale : ce furent le plus souvent des créations éphémères comme Mortani (1693-1697) Saint Geniès (1706-1707) ou Verseilles Houzards (1705-1716) avant de voir se constituer des régiments permanents

1. Le régiment d’Esterhazy Hussards (1735-1743)

Comte Valentin Joseph Esterhazy

Comte Valentin Joseph Esterhazy

Le 21 décembre 1734, la décision de créer un troisième régiment de Hussards fut prise à Versailles par le roi Louis XV, après la création des régiments permanents de Rattsky (1716) et de Bercheny (1720) : la France était alors engagée dans la guerre de succession de Pologne et le besoin d’un nouveau régiment de hussards se faisait sentir pour lutter efficacement contre la cavalerie légère ennemie. L’ordonnance fut signée le 25 janvier 1735, pour le comte Balint-Jozsef (Valentin-Joseph) Esterhazy, qui organisa son régiment en 4 compagnies de 50 hussards, à Strasbourg. Les officiers étaient Hongrois, Lorrains, Polonais ou Allemands ; les cavaliers étaient de même origine.

1. La guerre de succession de Pologne (1735-1738)

La guerre de succession de Pologne opposa de 1733 à 1738 la France, alliée de l’Espagne à l’Autriche, la Saxe et la Russie : à la mort du roi de Pologne Auguste II (1735), la France essaya de soutenir les prétentions de Stanislas Lesczynski, beau père de Louis XV, contre Auguste III, fils du défunt roi, soutenu par l’empereur d’Autriche Charles IV et par la Russie : ce fut la dernière grande guerre européenne qui ne fasse pas intervenir d’intérêts mondiaux. Les opérations militaires se déroulèrent principalement entre 1733 et 1734 en Baltique dans la région de Dantzig, entre 1733 et 1735 sur le Rhin et en Italie et se prolongea par une longue série de négociations entre 1735 et 1738.

Le régiment d’Esterhazy Hussards à peine constitué fournit une compagnie de 50 hussards pour surveiller les armées Impériales le long du Rhin à l’automne 1735, alors qu’une suspension d’armes est déjà attendue. Les Français sous les ordres du maréchal de Coigny se contentent d’une « non guerre », faite d’observation, d’opérations de fourrage et d’escarmouches entre Trèves et Trarbach, sur la Moselle et la Salm. Le régiment d’Esterhazy Hussards resta en garnison à Strasbourg jusqu’à l’été 1737.

Au traité de Vienne (1738) un marchandage diplomatique permit de régler ce problème de succession. Stanislas perdit la couronne de Pologne mais obtint en échange le duché de Lorraine occupé par la France ; François de Lorraine, gendre de l’empereur Charles IV, reçut en compensation le duché de Toscane pendant que Don Carlos, fils de Philippe V d’Espagne abandonnait les duchés de Parme et de Plaisance pour aller régner sur Naples. Ainsi, les souverains, dans un jeu subtil dont ils connaissent seuls les règles et dont ils sont les seuls acteurs, échangent leurs territoires et leurs couronnes en fonction de leurs intérêts personnels.

2. Campagne en Corse (1739-1740)

De 1737 à 1739, le régiment d’Esterhazy Hussards prit ses quartiers en Languedoc, d’abord au Vigan, puis à Nîmes, Beaucaire et St Gilles. En 1739, Esterhazy Hussards fait réellement ses premières armes en Corse pour venir en aide à la République de Gênes confrontée à une révolte de la population : le régiment d’Esterhazy Hussards débarqua à Calvi le 30 avril 1739. Le régiment enregistra ses premières pertes dans la nuit du 18 au 19 mai 1739 à Algajola [1], avec la mort du lieutenant de Stroh et de 3 blessés. La pacification se poursuivit avec la marche sur Ajaccio mais un hussard fut tué en septembre 1739 entre Bastelica et Bocognano. Le régiment restera en Corse jusqu’en août 1741 avant de séjourner en Provence d’août 1741 à mai 1742 [2].

3. La guerre de succession d’Autriche (1741-1748)

La guerre de succession d’Autriche (1741-1748) éclata à la mort de l’Empereur Charles IV qui en vertu de la pragmatique sanction de 1713, avait assuré la succession à sa fille Marie Thérèse, archiduchesse d’Autriche et reine de Bohême et de Hongrie : les droits de cette dernière furent contestés par l’Electeur Charles de Bavière, par le l’Electeur de Saxe, par le roi d’Espagne et par le nouveau roi de Prusse, Frédéric II. L’Autriche soutenue par l’Angleterre et les Provinces Unis entra en guerre contre une coalition groupant la France, la Prusse, la Bavière, la Saxe et l’Espagne.

En 1742, le régiment rappelé de Provence le 18 mai s’installa à Philippeville en septembre. Le régiment d’Esterhazy Hussards fut considérablement augmenté pour fournir 12 nouvelles compagnies ; les recrues étaient constituées de Lorrains, d’Alsaciens, de Wallons et de quelques Languedociens. Le régiment entra réellement en campagne le 12 avril 1743 pour rallier Landau le 1er mai sous les ordres du maréchal de camp Bercheny . Mais après avoir traversé le Rhin et poussé des reconnaissances sur le Main, le comte Valentin-Joseph Esterhazy décédait subitement à la tête de son régiment le 17 juin 1743 .

Les 2 escadrons d’Esterhazy sous les ordres du lieutenant-colonel chevalier Zsigmond David participèrent à la bataille de Dettingen (27 juin 1743) contre les forces anglo-autrichiennes commandée par le roi Georges II et lord Stairs. Malheureusement, alors que la victoire française était presque certaine, l’armée du duc de Noailles fut finalement battue en grande partie par la désobéissance de son neveu, le duc de Gramont et obligée de repasser le Rhin.

2. Le régiment de David Hussards (1743-1747)

Après le décès du comte Valentin-Joseph Esterhazy au début de la campagne, son second, le lieutenant-colonel chevalier Zsigmond David, devint mestre de camp propriétaire du régiment qui prit le nom de David Hussards le 1er août 1743. Le régiment était alors au camp de l’armée sous Lauterbourg et fut engagé dans des opérations de renseignement et de protection des fourrages : à cette date les régiments de David Hussards et d’Aspremont Hussards passèrent de 18 compagnies à 12 pour donner naissance à un quatrième régiment, Beausobre Hussards .

Après les quartiers d’hiver dans la région de Sarreguemines, Le régiment de David Hussards fut affecté à l’armée de Moselle commandée par le duc d’Harcourt et participa à la prise de Saverne (13 août 1744). Sous les ordres du chevalier de Belle-Isle, le régiment de David Hussards fut présent aux opérations autour de Fribourg (septembre) et en Souabe (octobre-décembre 1744) où il prit ses quartiers d’hiver. La mort le 19 janvier 1745 de l’électeur de Bavière, élu à Francfort empereur sous le nom de Charles VII le 24 janvier 1742, change l’orientation des opérations militaires dont les actions principales eurent lieu en Flandres. Le régiment de David Hussards combattit en Bavière et sur le Neckar pendant toute l’année 1745 avant de prendre ses quartiers d’hiver en pays lorrain, à Pont à Mousson.

A la reprise des opérations en 1746, le régiment de David Hussards se distingua dans les opérations aux Pays Bas Autrichiens et dans les Provinces Unis : à la prise de Louvain (mai), au siège de Namur (septembre) et à la bataille de Rocourt (11 octobre 1746) où le maréchal de Saxe battit les anglo-autrichiens commandés par le prince Charles de Lorraine qui perdirent 7 à 8 000 hommes, 3 000 prisonniers, 50 pièces de canon et 10 drapeaux.

Le régiment de David Hussards fut plusieurs fois cité pour la vigueur de ses attaques pendant cette campagne. Le chevalier Zsigmond David prit sa retraite le 27 janvier 1747 et céda son régiment au comte de Turpin de Crissé, colonel à la suite du régiment de Bercheny, pour 30 000 £ : le comte de Turpin de Crissé attendait depuis deux ans le commandement d’un régiment.

3. Le régiment de Turpin Hussards (1747-1761)

1. La fin de la guerre de succession d’Autriche (1747-1748)

Le Comte de Turpin Crissé

Le Comte de Turpin Crissé

Le 15 août 1747, le régiment prit officiellement le nom de son nouveau colonel, le comte Lancelot Turpin de Crissé de Sansay (1716-1793) et se rendit célèbre sous le nom de Turpin Hussards. Le régiment de Turpin Hussards intégra l’armée de Flandres sous les ordres du maréchal de Saxe. C’est principalement à partir de cette époque que le régiment acquit la réputation qui est encore la sienne aujourd’hui. Il se distingua à Lawfeld (2 juillet 1747) en culbutant la première ligne anglaise et en ravageant les réserves ennemies : le duc de Cumberland y perdit 12 000 hommes, 2 000 prisonniers, 29 pièces de canon, 9 drapeaux, 7 étendards et 2 paires de timbales.

La paix d’Aix la Chapelle (18 octobre 1748) mit un terme à la guerre de succession d’Autriche. Marie-Thérèse obtint la reconnaissance de la pragmatique sanction en cédant la Silésie à la Prusse. La France ne tira aucun avantage de ses victoires et dut restituer toutes ses conquêtes et avait semble-t-il travaillé « pour le roi de Prusse ». On prétend que Louis XV déclara « nous ne faisons pas la guerre en marchand, mais en roi » : l’opinion publique sur ce dénouement inattendu s’exclamait : « c’est bête comme la paix ».

Pour sa belle campagne à la tête de son régiment le comte de Turpin fut nommé brigadier des armées du roi le 10 mai 1748. Le régiment prit ses quartiers à Metz qu’il rejoignit le 15 décembre 1748. Une nouvelle ordonnance du 30 novembre 1748, ramena le régiment à 4 compagnies de 25 hussards « sur pied hongrois » comme les régiments de Bercheny et de Pollerecsky, pour les différencier des régiments dit « sur pied étrangers » (Lynden, Raugrave, Beausobre et Ferrari) composés en majorité de hussards allemands.

2. Le Régiment de Turpin de 1749 à 1756

Reliures Tomes 1 et 2 de l'Essai sur l'Art de la Guerre

Reliures Tomes 1 et 2 de l’Essai sur l’Art de la Guerre

Essai sur l'Art de la Guerre Tome 1 Comte Turpin de Crissé

Essai sur l’Art de la Guerre Tome 1 Lancelot de Turpin de Crissé

Après la réforme de 1748, le régiment connut la vie classique des régiments en temps de paix, déplacé près de 5 fois, de Metz à Besançon, puis Hagenau, Neuf Brisach et Mirecourt rien que pour l’année 1749. Après 2 ans passés à Mirecourt, le régiment est déplacé à Montmédy (1751/1752) puis à Vesoul (1752/1753) et Luxeuil (1753/1754). Le comte de Turpin profita de la période de paix pour publier, « Essai sur l’art de la guerre » (1754) et en collaboration avec Jean Castilhon, « Amusements Philosophiques et Littéraires de deux Amis« . Il fut élu membre de l’Académie de Nancy et le 28 août 1754, membre de l’Académie de Berlin. Le régiment retourna en pays messin en prenant ses quartiers à Vic sur Seille (1754/1755), puis déplacement à Vesoul (1755/1756) et installation à Sarreguemines à partir de 1756.

3. La guerre de Sept ans (1756-1763)

Après la guerre de succession d’Autriche, un renversement d’alliance se produisit entraînant un rapprochement entre la France et l’Autriche : la France pour résister aux menaces de l’Angleterre en Amérique du Nord et aux Indes, et l’Autriche pour lutter contre les prétentions de la Prusse. La guerre mit aux prises d’une part la France et l’Autriche avec leurs alliés Russie, Saxe, Suède et Espagne et d’autre part la Prusse, l’Angleterre et le Hanovre.

Le comte de Turpin nommé brigadier des armées du roi fut autorisé à rester à la tête de son régiment. Il put mettre en pratique ses écrits militaires et se distingua encore à la tête de son régiment de hussards pendant la guerre de Sept ans. Au début de la campagne de 1756, le régiment incorpore trois compagnies des régiments réformés de Linden, Beausobre et Ferrary Houzards.

Turpin Hussards, rassemblé à Thionville fin avril 1757, passa à Luxemburg, Cologne et éclaira la marche de l’armée du prince Soubise avant de franchir l’Ems, la Weser et d’escadronner entre Minden et Hameln. Le régiment de Turpin Hussards passé sous les ordres du marquis de Contades début juillet, s’orienta vers le sud et participa aux opérations d’occupation du landgraviat de Hesse-Cassel, s’installa à Göttingen avant de se porter sur Langensalza en Thuringe où il saisit 14 000 écus. Le duc de Richelieu chargea alors le régiment de Turpin de capturer collecteurs et enrôleurs prussiens et de ramasser les dépôts d’argent de l’électeur de Saxe. Le comte de Turpin organisa ses 450 hussards en 2 détachements depuis Göttingen, l’un au sud-ouest de Halle et l’autre au sud de Leipzig. Ce raid dans la région de Leipzig dura près de 25 jours et permit de recueillir 43 000 écus pour l’électeur de Saxe et de ramener de précieux renseignements sur les mouvements des troupes de Frédéric II.

Regroupé à Duderstadt (à l’est de Göttingen) le 25 septembre, Turpin Hussards franchit le massif du Harz pour rejoindre l’armée du marquis d’Armentières à Quedlinburg le 1er octobre, assurer son avant-garde et jeter l’effroi par un raid particulièrement audacieux sur Halle le 30 octobre. A l’annonce de la défaite de Rossbach (5 novembre 1757), le régiment fut déplacé vers Halberstadt où il eut de nombreuses escarmouches contre l’avant-garde de l’armée prussienne. Le régiment s’établit alors au sud de Wolfenbüttel avec le régiment d’infanterie Royal Bavière. Les hussards de Turpin participèrent du 10 au 15 janvier 1758, à une action offensive contre les troupes prussiennes à Halberstadt et Quehdlinburg qui permit de lever une contribution de 200 000 écus, mais subit un échec à Hornburg, le 1er février perdant près de 150 hussards et plusieurs officiers.
Le régiment fut déplacé pour se réorganiser sur le Rhin. En mai 1758, le régiment Pollereczki Hussards, très diminué après un sérieux revers militaire le 23 février, fut dissous pour pillage et brigandage et ses compagnies versées pour moitié au régiment de Bercheny et au régiment de Turpin.

Le prince Ferdinand de Brunswick ayant franchi le Rhin près de la frontière hollandaise menaça les forces françaises entre le Rhin et la Meuse. A la fin de la bataille de Krefeld (23 juin 1758) les charges répétées de ses hussards empêchent seule la retraite de l’armée du comte de Clermont de se changer en déroute face aux troupes anglo-prussiennes, commandées par le prince Ferdinand de Brunswick : le régiment de Turpin déplora 18 tués et 19 blessés.

L’armée du prince Ferdinand fut néanmoins harcelée et dût repasser le Rhin, avec sur ses talons, dès le 14 août, le régiment de Turpin. Après avoir poursuivit l’ennemi jusqu’à Münster et Hamm, l’armée française prit ses quartiers d’hiver et Turpin Hussards s’installa à Wuppertal le 19 novembre 1758.

A Fritzlar en juillet 1760, le lieutenant-colonel de Nordmann avec un escadron du régiment et un fort détachement de troupes légères s’empara par un coup de main particulièrement audacieux des magasins de l’ennemi, capturant des nombreux prisonniers, des pièces d’artillerie et libérant des prisonniers français.

Le 20 février 1761, le comte de Turpin fut nommé maréchal de camp et dut abandonner le régiment qu’il avait si magnifiquement commandé. Il entra en pourparlers avec l’un de ses cousins, le marquis André de Chamborant, colonel lieutenant du régiment d’infanterie de La Marche-Prince. L’agrément d’une telle transaction demandée conjointement au duc de Choiseul le 8 mars 1761 par le comte de Turpin et par le marquis de Chamborant, fut accordé par le roi le 27 mars.

II. Le régiment de Chamborant-Houzards
de 1761 à 1789

1. Chamborant-Houzards dans la guerre de Sept ans (1761-1763)

C’est au cours de cette campagne, par ordonnance royale du 27 août 1761, que le marquis André-Claude de Chamborant de la Clavière âgé de 29 ans prit le commandement du Régiment qui devint Chamborant-Hussards. Le nouveau mestre de camp allait démontrer rapidement qu’il possédait toutes les qualités d’un chef d’une unité d’avant-garde.

Le 20 juillet 1761, quelques jours après le combat de Werlinghausen, le marquis de Chamborant charge par cinq fois un ennemi très supérieur en nombre pour dégager un détachement de dragons commandé par le duc de Coigny, l’oblige à ralentir sa marche, ce qui permit aux différentes unités du corps du maréchal de Soubise de rétablir une situation compromise. Le prince Henri de Brunswick ayant été grièvement blessé d’un coup de pistolet par un hussard et laissé sur le terrain, le marquis de Chamborant envoya immédiatement ses deux chirurgiens le soigner, et ceci fait, ordonna de le transporter avec tous les soins et les égards possibles dans les lignes ennemies : le prince décéda néanmoins de ses blessures.

Le 8 juillet 1762, avec 300 hussards et 100 dragons, quittant le gros de l’armée française à Fritzlar, le marquis de Chamborant franchit les deux rivières Eder et Diemel malgré les avant-postes ennemis, entre dans la principauté de Waldeck, dissimule sa marche durant les journées du 8, du 9, et, le 10, de grand matin, arrive devant la petite ville de Warburg , occupée par une garnison anglaise forte de 6000 hommes. Chamborant range la majeure partie des hussards en bataille pour intimider l’ennemi et avec le reste, enlève la boulangerie anglaise, brise les canons, saisit un convoi de munitions de guerre, puis il bat en retraite, emmenant tous les chevaux valides qu’il a pu enlever à l’ennemi et faisant couper les jarrets aux autres.

Revenus de leur terreur, les Anglais se jettent à la poursuite, mais notre intrépide mestre de camp, dérobant habilement sa marche, leur échappe et rentre dans les lignes françaises avec outre les chevaux, 61 prisonniers dont un commissaire anglais. Il avait parcouru plus de 90 lieues de pays en 4 jours (soit environ 350 km), sans autre perte que 9 hussards et 6 dragons livrés à l’ennemi par des paysans. Cet exploit rendit le marquis de Chamborant et ses cavaliers populaires dans toute l’armée.

Le 25 juillet 1762, le roi accordait au marquis de Chamborant le grade de Brigadier des armées du roi. Le maréchal de Soubise lui écrivit à cette occasion :  » Je vous annonce, avec le plus grand plaisir, Monsieur, que le roi vient de vous faire brigadier de ses armées ; c’est la récompense de la distinction de vos anciens services et de ceux que vous avez rendus en dernier lieu en détruisant les magasins des ennemis à Warburg. Je vous en fais mon compliment de tout mon cœur « 

C’est pendant cette guerre que tous les hussards – et les « Chamborant » en particulier – se firent la réputation de troupes d’avant-postes. Téméraires parfois jusqu’à la folie, un peu pillards et maraudeurs, ils répandaient partout la terreur, « suivant l’ennemi pas à pas, le harcelant, l’inquiétant, éventant ses projets, épuisant ses forces en détail, détruisant ses magasins, enlevant ses convois et le forçant enfin à dépenser en défensive la puissance offensive, dont autrement il aurait tiré le plus grand avantage ».
Le 20 septembre 1762, le marquis de Chamborant et ses hussards capturent encore un escadron des Hussards la Légion Britannique de Bülow et cinquante chasseurs du Corps franc de Scheiter, à Brillon entre Arnsberg et Warburg.

En 1763, la paix est signée à Paris (10 février) qui confirme la ruine du premier empire colonial français. Notre rôle pendant cette désastreuse guerre fut, comme l’avouait le cardinal de Bernis « extravagant et honteux ». Le marquis de Chamborant ramena son régiment en France qui cantonna dans un premier temps à  Avesnes et Philippeville.
A cette époque, un « officier à la suite » fut inscrit sur les registres du régiment : Jean Paul Egide Martini. Il quitta le régiment pour devenir « surintendant de la musique du roi » et se rendit surtout célèbre en écrivant la musique de la chanson « Plaisir d’Amour », sur des paroles de Florian.

2. Le régiment de Chamborant jusqu’en 1789

A partir du 20 août 1767, le colonel propriétaire reste le marquis de Chamborant, mais trop âgé, le commandement effectif du régiment est confié au baron André François des Ormeaux de Lindenbaum (1767-1782), ancien lieutenant-colonel du régiment. Le marquis de Chamborant fut nommé maréchal de camp et inspecteur général des hussards le 3 janvier 1770. En 1771, le régiment est en garnison à Sarreguemines.

C’est à la fin de 1776 que le marquis de Chamborant dote ses cavaliers de la fameuse tenue sous laquelle ils allaient s’illustrer pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire, le dolman brun-marron, qui restera la tenue de tradition du régiment jusqu’en 1870. Voici, à ce propos, ce que la légende rapporte.

Un après-midi d’automne, parmi les feuillages jaunis de Trianon, la Reine Marie-Antoinette donnait un goûter champêtre, auquel assistait le marquis de Chamborant. Comme on connaissait sa grande compétence pour les choses de la guerre, et tout l’intérêt qu’il portait à son régiment, le comte d’Artois lui demanda quelle était la couleur qu’il allait donner à la tenue de ses hussards : « Ma foi, Monseigneur, je n’y ai point encore songé» répondit le marquis de Chamborant. A ce moment, la Reine s’approcha du groupe et se mêla à la conversation. « Si sa Majesté daigne me donner conseil… » dit en s’inclinant le marquis. La Reine fit la moue un instant, semblant réfléchir, puis, ses beaux yeux se fixant sur un bon père capucin qui disparaissait au milieu du parc : « N’est-ce pas là, dit-elle en souriant, le costume qui conviendrait à vos Houzards ? ». « Parbleu ! Madame, on verra mes moines à l’œuvre » répartit le marquis. Et il adopta, pour son régiment, la nuance des robes des capucins : brun marron.

Le chevalier de Pistolis dirige le régiment de 1782-83, avant de le confier au chevalier de Bozé (1783-1788). En 1786, la tenue des « Chamborant » était la suivante : pelisse et dolman brun marron, parements retroussis de drap garance, culotte bleu céleste, bordée de ganses blanches, surtout et gilet brun marron, manteau vert, shako de feutre noir doublé de bleu céleste, bordé d’un galon de laine noire et garni d’un cordon blanc, sabretache écarlate ornée du chiffre du Roi, boutons blancs, porte manteau rouge brodé d’un galon brun marron, schabraque de peau de mouton bordée de brun. Comme coiffure, ils ne portaient plus de catogan, mais une queue raccourcie à quatre pouces de la chevelure ; les cheveux noués en tresses à la hongroise et terminés par un petit morceau de plomb, généralement une balle de pistolet fendue en deux. D’ailleurs, cette queue et ces tresses protégeaient très bien la nuque et les joues, car elles étaient tressées avec des fils de cuivre pour renforcer la protection contre les coups de sabres. Les officiers portaient généralement des équipements de grands luxes achetés chez des fournisseurs privés (sabres à l’allemande, fourrure de renard)

Le régiment continua sa vie dans les garnisons de l’Est du royaume de France. En 1777, en prévision des futures campagnes contre l’Angleterre, le régiment fut pressenti pour des opérations outre-mer. Dans le même temps, le duc de Lauzun essaya sans succès de racheter au marquis de Chamborant son régiment en lui aurait proposé près de 800 000 £. Finalement, devant le refus du marquis de Chamborant, le duc de Lauzun prit la tête d’un corps mixte au service de la marine qui prit part aux opérations de la guerre d’Indépendance Américaine : cette unité est à la base du régiment des hussards de Lauzun (5ème de l’Arme).

Le marquis de Chamborant fut investi du gouvernement général de la Lorraine allemande par le roi Louis XVI, le 1er août 1780. Il s’installa à Sarreguemines le 28 décembre de la même année et eut le malheur d’y perdre sa deuxième épouse, Marie Julie Vassal, décédée le 9 avril 1781, à l’âge de trente et un ans, après lui avoir donné 3 filles. Il fut nommé lieutenant général le 1er janvier 1784, commandeur de l’ordre de St Louis le 25 août 1785 et chevalier de l’ordre de Notre Dame du Mont Carmel et de Saint Lazare le 15 juillet 1788.

Dans les derniers jours de la monarchie, le régiment avait le 3ème rang dans les régiments de hussards, après le régiment Colonel-Général, crée en 1778 pour le duc d’Orléans et le régiment de Bercheny, plus ancien. Il y avait 6 régiments de hussards, après la réforme du 17 mars 1788 :

  • Colonel Général des Hussards (créé en 1778) (par la suite 4ème Hussards)
  • Bercheny Hussards (créé en 1720) (par la suite 1er Hussards)
  • Chamborant Hussards (créé en 1735) (par la suite 2ème Hussards)
  • Esterhazy Hussards (créé en 1764) (par la suite 3ème Hussards)
  • Saxe Hussards (créé en 1763 sous le nom de Conflans Hussards)
  • Lauzun Hussards (créé en 1783) (par la suite 5èmeHussards)

Le baron de Rozen commande le régiment de 1788 à 1789. En 1783, le régiment de Chamborant avait versé son 2ème escadron pour former le régiment Colonel Général (crée en 1778, mais réellement mis sur pied en 1783). En 1788, un nouvel escadron avait été formé avec les éléments réformés de Nassau Hussards et de Septimanie Cavalerie.

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[1] En Haute Corse, canton de Belgodère, arrondissement de Calvi.
[2] L’historique publié en 1897 a essayé de faire croire à la participation des « Chamborant » aux campagnes de 1741-1742, mais les derniers travaux du général Boissau démolissent ces supputations sans fondement.